Pendant le discours de victoire de Sharon, ses partisans ont lâché des sifflets de mépris et des cris de haine chaque fois que les mots de «Barak», de «gauche» ou de «Palestiniens» ont été évoqués. Pas de doute: le public a «puni» ceux-là de la façon la plus douloureuse qui soit, et comme l'a dit quelqu'un avec une entière naïveté: «Je ne suis pas sûr que Sharon soit le meilleur pour Israël, mais c'est bien fait pour les Palestiniens!»
Est-il permis de soupçonner qu'Ariel Sharon lui-même ne croit pas à ce qui lui arrive? Cet homme, dont on a souvent prononcé l'oraison funèbre; ce politicien brutal, rusé, extrémiste et à la conduite souvent douteuse; l'homme qui a échoué dans presque chaque fonction publique qu'il a occupée et qui a trahi, ou presque, tous ceux qui lui furent associés, a reçu aujourd'hui tout un pays entre ses mains. Désormais, il pourra mettre en application ses vues, et aussi ses instincts. Et cette fois-ci, à rebours du passé, il n'y a presque personne pour l'arrêter. C'est peut-être d'ailleurs là la raison pour laquelle, ces derniers jours, alors que sa victoire était quasi assurée, que soudain l'état d'esprit de Sharon a changé... Doué d'un humour cynique et cinglant, en proie à un activisme forcené, Sharon est apparu, pendant les jours qui ont précédé le scrutin, triste et presque sans vie, au point que l'un de ses proches a lâché: «Comme si quelque chose s'est éteint en lui...» Pour la première fois peut-être de sa vie, il a semblé presque craintif, com