Certains succès populaires semblent brusquement tomber des cieux : en l'an 2000, ce fut l'exposition et le livre du photographe Yann Arthus-Bertrand, la Terre vue du ciel (éd. La Martinière). On y voyait des merveilles multicolores, les unes naturelles, les autres créées par l'homme, saisies depuis un hélicoptère. Ces photos populaires représentaient la planète unanime. Elles avaient un éclat mélancolique : la nature paraissait avoir mis ses habits de cérémonie comme le font certains Indiens avant d'aller mourir. La cérémonie attira les foules et ne cessa d'être prolongée. Le livre a été tiré à un million d'exemplaires. Il coûte 280 francs (42,7 euros) : c'est peu pour ce genre d'ouvrages, mais beaucoup pour ceux qui les achètent. Aucune campagne de presse, aucun «coup» ne suffisent à expliquer cette flambée.
L'exposition de 110 photos sur les grilles du jardin du Luxembourg imaginée par Robert Delpire se prolongea jusqu'au 31 décembre dernier. Elle a certes permis au livre, si l'on ose dire, de décoller. Mais cela n'explique pas le succès de l'exposition elle-même. A l'été, à l'automne, elle devint une sorte de panoptique enchanteur et nostalgique. Les visiteurs étaient fascinés par cette planète, la leur : flashée comme par un demi-dieu, elle révélait ses mystères et prenait soudain la dimension fantastique que les voyages faciles, la technique, la télévision ont dans les consciences terriblement réduite. La terre s'étirait infiniment, comme une belle au bois dormant baisée