Et tandis qu'un autre navire venu de Turquie, mais chargé cette fois de véhicules automobiles, percutait un chalutier dans les eaux morbihannaises, on se demandait s'il ne fallait pas en finir avec ce canard de l'East Sea affrété par Istanbul pour nous perturber la démocratie. Et quand bien même? Belle démocratie, en vérité, qu'un petit millier de Kurdes, dont un tiers en bas âge, serait en mesure de fragiliser!
Oh, la trouille exemplaire des gouvernants de la grasse Europe septentrionale, assis sur le coffre-forteresse et scrutant leurs frontières, en croyant déceler dans chaque vraquier (ce mot!) croisant au large de ses côtes une cargaison de clandestins!
Immonde et criminel trafic, assurément, que celui organisé par les mafias de passeurs, auquel fait pendant le verrouillage des frontières de Schengen, entre lesquelles errent de pauvres bougres de facto condamnés, en amont et en aval, à une autre sorte de double peine. Mais la visibilité des sursitaires de l'East Sea comme un nouvel Exodus en fit de redoutables révélateurs. Le décalage est trop énorme, entre notre richesse et leur misère, entre démocratie et dictature, pour que l'affaire soit réglée par un seul coup de tampon administratif. Alors on temporise, on suppute, on aménage. On sollicite, pour ne pas effaroucher l'opinion dont on pressent qu'elle pourrait n'être pas toujours compassionnelle ou qui le serait trop des réalités économiques... Pour justifier leur non-expulsion, des voix pusillanimes invoquent un «