L'innovateur est généralement conçu comme un être extraordinaire. Entrepreneur finançant une start-up, manager développant une politique de gestion «révolutionnaire», propriétaire mettant sa fortune dans une nouvelle affaire ou grand commis de l'Etat développant une politique industrielle radicale, tous ces êtres sont rares. On les regarde toujours avec émotion, intérêt, hostilité ou effroi, persuadé d'avoir affaire à une personne douée de qualités exceptionnelles. On regarde avec beaucoup moins d'émotion les innovateurs du quotidien, à l'intérieur des entreprises.
Et pourtant, ce qui définit un innovateur n'est pas son statut d'entrepreneur ou de fonctionnaire, d'artiste ou de spectateur, de chef ou de «collaborateur», d'élu ou de simple citoyen, c'est seulement sa capacité à faire passer une nouveauté dans les pratiques sociales, à faire d'une nouvelle idée un nouveau comportement collectif.
Cette capacité est rare, parce qu'elle repose sur un engagement supposant de la passion, bien plus que de la raison, sur le désir de créer plus que sur la volonté de s'enrichir. Mais cette capacité n'est pas plus rare en bas qu'en haut de la hiérarchie. Et comme la «base» est composée de plus d'individus que le sommet, elle est finalement plus fréquente en bas qu'en haut. Pourquoi?
L'innovation n'est jamais, au départ, une action raisonnable. Les livres de management qui célèbrent les grandes aventures de tel ou tel capitaine d'industrie indiquent ainsi que l'innovateur ne peut jamais con