Pourquoi le massacre projeté des Bouddhas de Bamiyan est-il particulièrement odieux? Pour deux raisons fondamentales (et infiniment plus fondamentales que tout ce qui peut se vouloir «fondamentaliste» et qui est toujours un refus buté d'aller au fond des choses). La première raison est qu'une destruction de symboles est un attentat contre ce qui forme dans l'homme non seulement la possibilité de l'humain (le sens), mais l'impossibilité d'épuiser une «nature» ou une «vérité» de l'humain et la possibilité en l'homme de «passer infiniment l'homme» (Pascal) et d'aller, précisément, vers le fond sans fond des choses, de lui-même ou du monde. Il est gênant de prendre un ton trop solennel: mais enfin, il ne s'agit de rien de moins que de l'essentiel.
En ce sens, le massacre de symboles qui ne sont pas seulement grands de taille, mais surtout de culture, est une forme de crime contre l'humanité (contre l'essence de l'homme). Au reste, c'est en tant que symboles aussi que des individus réels ont été exterminés chaque fois qu'il y a eu génocide ou crime contre l'humanité. Ce crime est de structure et de visée symboliques. En un sens, la destruction de symboles inertes, d'oeuvres d'art et de culte, met complètement à nu ce qui est en jeu: en tuant des personnes, on peut jusqu'à un certain point (certes, bien vite atteint) sembler jouer le jeu de la défense contre un ennemi. Mais le symbole ne peut en être un, et il ne devient une arme que si on veut en faire une, ce qui est étranger à s