Le procès en pédophilie fait à Daniel Cohn-Bendit a pris une forme pathologique parce qu'il s'est développé sur un non-dit assourdissant: l'absence d'examen critique de l'héritage 68 par ses acteurs eux-mêmes. C'est parce que ce simple examen, ni repentir catho, ni autocritique mao, ni devoir d'inventaire jospinien, n'a jamais vraiment et publiquement eu lieu, que la polémique a enflé de façon carabinée et déplacée sur un supposé héritage déviant. Autrement dit, personne ne veut la peau de Daniel Cohn-Bendit; ni celle de Mai 68. En revanche, ce n'est pas parce que la vie de Daniel Cohn-Bendit est «un inventaire permanent» (titre de l'interview dans Libération du 7 mars) que toute critique envers ce qu'il incarne, même malgré lui, doit être ravalée.
Mai 68 fut un épisode historique court (deux mois), un mouvement culturel et politique considérable, un déverrouillage de la pensée immensément précieux mais aussi un séisme aux répliques dangereuses. «Mai 68 était un des derniers états de l'enchantement du monde des idées. Vingt ans plus tard, on peut aussi penser qu'il a largement contribué à le désenchanter», écrivait le chercheur Jean-Pierre A. Bernard en 1988 au moment de l'anniversaire du mouvement. Il poursuivait: «En quelques années, il dévalue les références idéologiques et politiques vieilles de deux siècles On ne peut désormais parler que de "retour": de la famille, de la morale, de la religion, de l'école...» (1) Autrement dit, tout rappel à l'ordre, au collectif, au dr