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Libération

Naissance d'un électeur critique

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publié le 23 mars 2001 à 0h10

Les électeurs ont décidément plus d'un tour dans leur sac: ils pratiquent comme personne l'art du découplage et la science du contre-pied. Encouragée pendant des mois par des sondages prometteurs, la gauche espérait une victoire. Elle essuie une défaite. Depuis le premier tour, la droite rêvait d'un triomphe. Le basculement théâtral de Paris et de Lyon la frustre de ce plaisir. En fait, la conclusion la plus significative de ce scrutin baroque, c'est l'émancipation des Français. Les citoyens se sont affranchis des appareils, des étiquettes, des tribuns et des stars, des traditions locales et des comportements de classe. La France d'en bas s'est autodéterminée, au cas par cas, selon un diagnostic local, en rejetant les casaques et les influences. C'est la naissance d'un électeur critique, d'un citoyen sans entrave, exigeant et redoutable à gérer. Le nouvel électeur du XXIe siècle choisit sa liberté. Les candidats feront désormais figure de cavaliers démontés, forcément modestes. Ce n'est pas là indifférence ou frivolité. Les Français ont voté cette fois-ci en proportion honorable. 33 % d'abstentions au premier tour, 31 % au second, c'est un progrès par rapport aux élections municipales de 1995, c'est une résurrection par rapport au référendum de l'automne dernier sur le quinquennat. Mieux: lorsque l'enjeu était brûlant (à Paris, à Lyon, à Strasbourg, à Toulouse, à Ajaccio), la participation a augmenté brusquement, parfois spectaculairement. Les citoyens prennent les choses au