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Libération

Vie et mort aux champs

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publié le 23 mars 2001 à 0h10

Dans les campagnes inondées, des troupeaux de cadavres (ovins, bovins et porcins) flottaient le ventre en l'air. Des essaims de corbeaux obscurcissaient le ciel. Sur l'Angélus sonnant le glas des champs défunts, les humains confinés priaient pour leurs enfants... On n'en est pas là, bien sûr, mais il y a de ça. Le mal court, il touche au coeur. On perçut enfin ça la semaine dernière, lorsque les aphtes envahirent La Baroche-Gondouin (Mayenne). C'est un joli nom, La Baroche-Gondouin, qui fleure bon le terroir et la FNSEA. Un patronyme très propre qui, d'un seul coup, très loin des abstraites négociations, dans les couloirs glacés de l'Union européenne et bureaucratique, fit toucher du doigt une catastrophe dont, pour un peu, on eût presque oublié le caractère essentiellement économique. Notre citadine perception du camarade paysan en fut totalement bouleversée: c'est qu'en place du maquignon gras et rose montant, au volant de sa 4x4, à l'assaut de toujours plus de subventions pour toujours plus gaver son bétail intensif, on en découvrit d'autres, plus humbles et plus discrets, qui, sur toutes les ondes, nous chantèrent un refrain inédit, et pour tout dire diantrement efficace: celui de l'éleveur amoureux de ses bêtes ­ pardon: de ses «enfants», veaux émouvants, tendres agnelets et petits cochons élevés, pour ainsi dire, au biberon et sous l'épouse; ses bêtes qu'il connaissait si familièrement que peu s'en fallut qu'il nous tirât des larmes. Ah! l'épopée du vélage de la Blanch