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Libération
TRIBUNE

Ecoute, surécoute et Echelon

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par Peter Szendy
publié le 7 avril 2001 à 0h25

Qu'y a-t-il de vraiment inouï dans les immenses «oreilles» d'Echelon, dans ces pavillons métalliques qui composent le réseau international d'écoute dont on parle tant? Il vaut la peine d'ausculter un peu le passé pour bien entendre ce qui nous arrive. Nos pavillons de chair et de cartilage ont sans doute d'abord été ceux de la proie ou du prédateur. «L'oreille», écrivait Nietzsche dans Aurore, est l'«organe de la peur»; elle s'est développée dans «la pénombre des forêts et des cavernes obscures, selon le mode de vie de l'âge de la peur».

Or, dans l'écoute aux aguets, l'essentiel, c'est de pouvoir entendre sans être entendu. Il faut qu'il y ait dissymétrie pour pouvoir surveiller l'autre ou lui échapper. C'est du reste ce que les concepteurs des prisons modernes, aux xviiie et xixe siècles, avaient expressément recherché, sans toujours y parvenir: comme le rappelait Michel Foucault dans Surveiller et punir, Jeremy Bentham, l'inventeur du dispositif carcéral «panoptique» permettant de tout voir sans être vu, avait également imaginé «une surveillance acoustique, par des tuyaux menant des cellules à la tour centrale»; il l'a abandonnée par la suite ­ peut-être, dit Foucault, «parce qu'il ne pouvait pas introduire de dissymétrie et empêcher les prisonniers d'entendre le surveillant aussi bien que le surveillant les entendait».

Il y a pourtant eu, attestés depuis fort longtemps, des dispositifs techniques à visée «panacoustique», amplifiant l'efficacité de la surveillance auditive e