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Libération
TRIBUNE

Un étrange et beau secret

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par Judith HERMANN
publié le 5 mai 2001 à 0h47

Samedi

Le ciel au-dessus de Berlin

Berlin en avril. A l'ouest de la ville les tilleuls sont en fleur, à l'est les cerisiers dans ma rue commencent tout juste, les forsythias, les étranges buissons des parcs, quelqu'un a dit qu'il faisait plus chaud à l'ouest qu'à l'est, je n'ai pas voulu mal interpréter ou trop bien comprendre. Le temps me précipite d'une humeur dans une autre. Le soleil, la pluie, le soleil, la pluie, et puis la neige, la grêle en fait, une bourrasque qui secoue les marquises des cafés de la rue et fait claquer les fenêtres à peine ouvertes, puis vient un moment de pause, une hésitation ­ et de nouveau le soleil, le soleil, et puis la pluie, et puis l'obscurité. Pourtant le ciel est beau, de gros nuages lourds, presque d'automne, qui passent avec une lenteur majestueuse, un ciel qui aurait mieux sa place au-dessus de la campagne, il n'a rien à faire ici. Dans l'appartement voisin, quelqu'un joue la Valse de la puce à une vitesse insupportable, insensée, la joue et rejoue sans cesse. J'ai demandé à ma soeur, qui a vécu des années à Paris, si elle pouvait me traduire le bloc-notes récent de Catherine Cusset, afin que j'aie un point de repère pour cette étrange commande ­ mon journal de la semaine (1). Ma soeur a refusé, la langue française semble pour elle marquée par un traumatisme, chargée de je ne sais quelles redoutables associations, elle a dit «Je deviendrais folle si je devais te traduire ça», son ton était tout à fait sérieux, autant que je sache elle a