Que célèbre-t-on en rappelant la date du 10 mai 1981? S'il s'agit de chanter la gloire de François Mitterrand, ses fidèles s'en chargent et leur sincérité est incontestable; mais il est de moins en moins certain que leur discours soit entendu, tant l'image du Président disparu s'est brouillée.
Il faut avant tout définir l'unité de cette période malgré ses discontinuités. Car elle a une forte unité. Pendant vingt ans ou presque (1981-1997), François Mitterrand, appuyé par bien d'autres, a réussi à maintenir jusqu'après sa mort des objectifs, des formes d'action, un discours en contradiction de plus en plus évidente avec l'état du monde. Un tel jugement semble porter condamnation; en fait il n'est tout à fait sévère que pour les successeurs de Michel Rocard. Mais la politique de 1981 était déjà si loin de la réalité qu'elle dut être abandonnée après moins d'un an de gouvernement et c'est après la chute du cabinet Mauroy que la gauche commença à reconnaître les exigences de la compétitivité, de la globalisation et des nouvelles technologies. François Mitterrand ne fut pas seul responsable de cet aveuglement. Avant 1981, PS et RPR unissaient leurs voix pour combattre Raymond Barre qui avait le tort de percevoir la vérité. Avant et après 1981, droite et gauche ont souvent rejoué des pièces de théâtre écrites pour elles cent ans auparavant.
L'histoire de ces deux décennies est au mieux celle du passage lent et imparfait d'un blocage idéologique à une acceptation méfiante de la réali