Il n'y a pas si longtemps, une route, un tunnel, une ligne et une gare ferroviaires ou tout autre équipement qualifié de «structurant» étaient classés dans la catégorie des facteurs d'accessibilité et d'attractivité des villes et des régions. L'ennemi était l'enclavement et le moyen d'y remédier l'équipement. Cette vision s'alimentait d'une croyance dans les effets multiplicateurs en matière d'investissements et d'emplois assurés par les grands travaux d'équipement du territoire. Attentifs à une croissance quantitative, experts et gouvernants voyaient dans l'augmentation du stock d'équipements (la longueur du réseau routier et autoroutier par exemple) le signe de l'accumulation des richesses collectives et de l'élévation du bien-être social. Ce keynésianisme a pénétré de nombreux secteurs de l'action publique. Ainsi, dans le domaine de l'aménagement du territoire, l'équipement des régions «sous-industrialisées» appelait une «mise à niveau» grâce à des grands chantiers de modernisation, dont les plus illustratifs se sont incarnés par l'implantation de complexes sidérurgiques ou pétroliers dans des ports maritimes avec le succès que l'on connaît.
Une telle culture idéologie? de l'équipement n'aurait pas autant triomphé et imposé sa marque au territoire sans avoir été relayée par un pouvoir politique, une compétence technique, le tout combiné dans des institutions adaptées. Le pouvoir technique résultait de l'existence d'un «corps d'élite» au sein de l'Etat, les ingénieurs