Il aurait été surprenant que le vingtième anniversaire de l'élection de François Mitterrand à la présidence de la République ne fasse point l'objet d'une célébration, compte tenu du prurit commémoratif qui atteint la France en permanence. Mais que s'agit-il au juste de commémorer? La première alternance de la Ve République? L'arrivée au pouvoir des socialistes? L'homme qui a rendu l'événement possible et dont la personnalité paraît fasciner les médias, à telle enseigne qu'ils ne cessent de braquer sur lui leurs projecteurs, montrant une particulière prédilection pour l'épisode, somme toute mineur et relativement banal, de son passage à Vichy? Pour l'historien, la portée du 10 mai 1981 se mesure à l'aune de ses conséquences sur la société française.
Car les socialistes qui parviennent au pouvoir au printemps 1981 sont porteurs d'un projet de société dont l'ambition n'est pas mince puisque, comme son titre l'indique, il s'agit de «Changer la vie» des Français, fondamentalement par la rupture avec le capitalisme et sa logique du profit privé. Toutefois, le candidat François Mitterrand ne s'est personnellement engagé que sur un catalogue de 110 propositions concrètes, tirées sans doute des documents adoptés par les congrès socialistes, mais beaucoup plus discrètes sur le type de société à construire. Au coeur du programme présidentiel se situe cependant la volonté de lutter contre la crise qui atteint la France depuis 1974, afin de retrouver la croissance et d'assurer le plein em