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Libération
TRIBUNE

La grandeur de «la Vie sexuelle...»

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publié le 17 mai 2001 à 0h53

Ce n'est pas parce que l'intime est partout qu'il faut mettre sur le même plan certaine émission télé et le livre stupéfiant de Catherine Millet la Vie sexuelle de Catherine M. (1), puis en profiter pour débiner une époque qui serait régressivement narcissique. Tout le monde a une vie mais tout le monde ne sait pas l'écrire: détracteurs ou zélateurs de l'autobiographie, qui ont tendance à privilégier l'idée de confession, oublient ce fait capital qu'il n'y a pas de récit de vie sans mise en scène. Des millions de gens sont prêts à mettre en avant leur expérience, mais ce qu'ils ont à dire ne commencera à nous intéresser que s'ils ont trouvé comment le dire. La valeur de tout récit de vie est liée à la rigueur de ses choix stylistiques et conceptuels. Sinon, comme dit Christine Angot, ce sera «une merde de témoignage.»

Le livre de Catherine Millet n'est pas érotique, il est pornographique, c'est là sa force. La littérature érotique est le cache-sexe de son sujet, c'est la raison pour laquelle elle est obscène à faire du joli (ou du trash, son envers) sur une chose aussi puissante que la sexualité. Au contraire, l'écriture de Catherine Millet, à la fois transparente et précise, est à bonne distance, frontale comme un film porno. Presque neutre, elle donne toute leur vérité aux scènes sexuelles et permet une mise à distance de soi qui sans relativiser l'engagement de la narratrice superpose le regard objectivant de la critique d'art. Travaillé de manière à produire une impressio