C'est de fric qu'on parle, là. Pas de littérature. Normal, dans une salle des ventes. Ce chiffre-là de 12 184 040 F (sur le chèque: douze millions cent quatre vingt-quatre mille quarante francs) pour un manuscrit (un livre même pas fini), fut livré TTC et au franc près pour faire plus vrai. Les comptables eussent-ils pu allonger la période en faisant sonner des centimes, le quidam en eût béé jusqu'au dernier. Regardez Fabrice Luchini, bateleur boute-en-train et un peu propriétaire du truc, aussi. (C'était quoi, déjà? Ah, oui... Le premier jet manuscrit du Voyage au bout de la nuit, de Louis-Ferdinand Céline un certain docteur Destouches.) Echange de bons procédés: le Voyage fit grandir la gloire du comédien Luchini, et le comédien fit monter les enchères du Voyage en le représentant, outre tous les soirs à la scène, mardi à la salle. Au mot Fin de cette après-midi, après le coup de marteau d'ivoire, Luchini confondait salle et scène en tutoyant les micros: «Tu te rends compte! Onze barre...» parce que, à ce moment-là, le chiffre magique n'étant pas établi, on parlait encore hors-taxes. Le chiffre magique urgeait. Il devrait être attesté dans les JT du soir avant livraison à l'imprimerie du Livre des records. «Et dans la catégorie Manuscrits littéraires, le champion est...» Céline, mieux que Kafka et mieux que Joyce. Au théâtre, on va désormais se ruer pour entendre Luchini réciter le plus cher, donc le plus grand littérateur du monde, car comme pour les peintres et les f
Onze barres
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publié le 18 mai 2001 à 0h54
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