A sept mois de la concrétisation de l'euro, l'avenir de l'Europe est paradoxalement plus incertain que jamais. Les appréhensions légitimes des consommateurs et les craintes non moins compréhensibles des entreprises face à un basculement monétaire inédit seront aggravées par la crise patente de l'identité européenne. De Joschka Fischer à Lionel Jospin, en passant par Jacques Chirac et Gerhard Schröder, les dirigeants allemands et français multiplient les «appels à l'Europe». Mais cette succession de prises de positions obscurcit le débat plus qu'il ne le fait avancer.
Tout le monde convient d'une réalité. Dotée d'une monnaie commune, élément fort de fédéralisme, l'Union européenne est désormais condamnée, sous peine d'instabilité chronique, à aller de l'avant. Les premiers pas hésitants de la Banque centrale européenne démontrent, s'il en était besoin, les inconvénients d'avoir créé un pouvoir monétaire non équilibré par un gouvernement économique. Obsédée par le souci de prouver son indépendance vis-à-vis des pressions extérieures, la BCE a manifesté un dogmatisme qui lui a même ôté le bénéfice de la réduction tardive des taux qu'elle a fini par consentir. La coexistence d'une monnaie unique pour onze pays avec l'absence de mécanismes politiques de régulation économique de l'Euroland est lourde de périls. Que se passera-t-il si l'un des pays membres de la zone endure une grave crise? Faute de dispositifs de solidarité, les ajustements nécessaires se feront sur les variables r