Deux livres de Pierre-André Taguieff viennent de faire simultanément leur apparition chez les libraires: Du progrès (Librio) et Résister au bougisme (Mille et Une Nuits). Les deux se situent dans le sillage du maître livre de l'auteur, l'étonnante somme aprogressiste parue chez Galilée l'an passé, l'Effacement de l'avenir. Endurance de la pensée de Taguieff: saison après saison s'ajointent les éléments d'une oeuvre promise, par sa force et sa liberté d'esprit, à marquer son époque. Du progrès paraîtra surtout philosophique, tandis que Résister au bougisme passera pour articuler à l'analyse des idées contemporaines un engagement mêlant la glace et le feu.
Tous les dieux sont destinés à mourir: Moloch moderne, le progrès subit à son tour ce funèbre sort. Au «Dieu est mort» de Nietzsche, Taguieff fait écho avec son fatal «le Progrès est mort». Pourtant, depuis plusieurs siècles, l'homme occidental était animé par la foi dans le progrès, promesse d'un avenir radieux. Cette foi (Cournot a parlé de «religion du progrès») se déclinait sur des registres multiples: la science (matrice de cette foi), la morale, la technique et la politique.
Survint un jour où l'on cessa de situer l'âge d'or dans un passé perdu, pour le projeter dans le futur. Cessant d'être corruption, décadence, le temps devint promesse de bonheur. Le progrès fut tenu pour nécessaire, continu, linéaire, cumulatif, irréversible et illimité! Turgot, Rousseau, Kant, Condorcet procurèrent un fondement d'anthropologie philo