Depuis un quart de siècle, Jacques Chirac n'a cessé d'être sous-estimé par tous, ses rivaux comme ses adversaires. Valéry Giscard d'Estaing le regardait avec condescendance, Raymond Barre ne le plaçait pas très haut, Edouard Balladur ne l'admirait guère, François Mitterrand le jugeait en privé un peu court, Lionel Jospin ne l'a jamais considéré comme un homme d'Etat. Aujourd'hui encore, dans le camp du Premier ministre, chez François Bayrou, Alain Madelin ou même Charles Pasqua, beaucoup se figurent que, à l'approche de l'élection présidentielle, la sympathie qu'il inspire aux Français va se décomposer, que sa popularité actuelle est trop artificielle pour ne pas se fissurer. La thèse du troisième homme, réussissant une percée à ses dépens fait fureur. On oublie une fois de plus qu'il a largement contribué à faire élire Valéry Giscard d'Estaing en 1974 puis François Mitterrand en 1981, qu'il a arraché la mairie de Paris avec ses dents, conquis de haute lutte le parti gaulliste, qu'il a fait bonne figure en 1988 et qu'il s'est imposé en 1995. Jacques Chirac est un professionnel, un spécialiste de la conquête du pouvoir, sinon de son exercice.
Il ne possède aucune des qualités qui font traditionnellement en France le prestige d'un homme politique. Il n'est pas éloquent, il cache jalousement la culture que les autres exhibent, ses supporters les plus fervents ne peuvent en faire un conceptuel ou un idéologue. La théorie l'ennuie, ce n'est pas un stratège, personne n'est moins vi