Zaki Laïdi sait-il exactement de quoi il parle quand il stigmatise la «vacuité politique» et le «caractère fruste de l'analyse sociologique contemporaine» de «la gauche extrême» (1)? Il nous dit avoir «fureté dans les écrits des théoriciens de cette mouvance» et n'y avoir trouvé «à peu près rien». Ses troubles de vision l'empêchent d'apercevoir l'émergence d'un espace pluriel d'interrogations, de débats et de réflexions.
Le premier numéro de la revue Contre-temps (mai 2001, éditions Textuel), consacré au «Retour de la critique sociale Marx et les nouvelles sociologies», entame justement un débat entre des intellectuels «marxistes» et des sociologues critiques. Les travaux sociologiques inspirés par Pierre Bourdieu sont particulièrement mis en discussion, dans leur prise en compte d'une pluralité de dominations (économique, mais aussi culturelle, politique, masculine, etc.) ou dans l'analyse des formes de déstructuration de la classe ouvrière. D'autres sociologies nouvelles y sont aussi discutées, dans leur attention à la pluralité identitaire des individus et à la diversité de leurs logiques d'action. Par ailleurs, les limites des marxismes sont interrogées, dont leur pente économiste.
Il ne suffit pas, comme Laïdi, d'enregistrer une «montée de l'individualisme» pour faire «sociologique». On se doit d'analyser un peu plus finement les formes contemporaines de l'individualisme, dans leurs potentialités émancipatrices comme leurs dangers. Il ne faudrait pas que les tyrannies d