Le sommet de Gênes a, une fois de plus, démontré l'ampleur de la mobilisation de ceux qu'il est désormais convenu d'appeler les «antimondialisation». Ce mouvement qui réhabilite des notions aussi essentielles que la générosité, l'engagement et le militantisme, longtemps battues en brèche dans nos sociétés individualistes, suscite, sinon la sympathie, du moins l'intérêt.
Pourtant, face aux politiciens décrédibilisés qui gouvernent les grandes puissances et à l'aristocratie de conseillers et d'experts qui les guident dans la voie de l'expansion d'un capitalisme de plus en plus brutal, le mouvement antimondialisation peine à incarner le Tiers-Etat de la planète. Car, aussi considérable soit-elle, la somme des militants d'une myriade d'associations ne saurait constituer un véritable mouvement populaire. C'est la triste ironie qui s'impose à ces jeunes gens qui n'hésitent pas à parcourir des milliers de kilomètres pour venir gonfler les rangs de ces manifestations chamarrées devenues rituelles: ils ne représentent qu'eux-mêmes.
Les pro et les antimondialisation se rejoignent en effet sur le postulat de base que la dimension nationale est obsolète pour appréhender les enjeux du monde, tant d'un point de vue économique que politique. Incontestablement, il y a là un véritable verrou idéologique que les antimondialisation n'arrivent pas à faire sauter: celui de la nation, assimilée à l'égoïsme, au passé, à l'inefficacité. Or, jusqu'à présent, l'Etat-nation demeure l'unique cadre d'expr