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Libération

«Ceci n'est pas un film»

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publié le 15 septembre 2001 à 0h49

Depuis mardi, comme sur un magnétoscope détraqué, combien de fois l'a-t-on vue cette image d'un Boeing percutant le World Trade Center? Certes, cette répétition asticote une peur grégaire et le lâche soulagement afférent: ça n'arrive qu'aux autres qui sont morts. Mais cette démultiplication est aussi une catharsis. A l'issue du gigantesque bras de fer qui, ce mardi-là, a opposé le déjà vu au jamais vu, ce matraquage nous oblige à admettre par KO visuel que «Carnage à Manhattan» n'est pas du tout le titre d'un nouveau film d'horreur. Toute la semaine écoulée dans le studio de la chaîne LCI, cette image était toujours là, dans un coin du cadre, comme une lithographie électronique faisant littéralement partie du décor. Alors oui, ad nauseam: play it again (oncle) Sam. Mais, en même temps, cette mithridatisation par overdose ne marche pas. Car on sait depuis le célébrissime Ceci n'est pas une pipe de Magritte que toute représentation est un simulacre.

A leur façon, les présentateurs télé l'ont pressenti lorsque, dans les premières minutes, en plein schisme avec leur propre dogme (le fameux «vu à la télé»), ils répétaient: «Ceci n'est pas un film.» En effet. Mais pourquoi ne le disaient-ils plus simplement, nos griots de l'info: «Ceci est de la télévision pour de vrai»? Que craignaient-ils? Qu'on ne les croie pas? Que la religion du direct ne soit plus tenable le jour de sa grand-messe? Qu'un guignol diabolique surgisse en hurlant: «Le World Trade Center rayé de la carte, vous l'a