Le drame de ce 11 septembre ne réside pas seulement dans l'horreur d'un acte qui a entraîné la mort de plusieurs milliers de personnes à New York et à Washington. La solidarité sans faille avec le peuple américain face au terrorisme ne doit pas être seulement morale, ni tenir à la seule indignation devant ces assassinats odieux. Elle doit se matérialiser par une coopération totale dans la lutte contre le terrorisme. Mais ce terrible drame commence malheureusement à se doubler d'une rhétorique qui, malgré les précautions d'usage, n'en est pas moins inquiétante.

Sous le coup de l'émotion, le président Bush a parlé de «croisade», de «lutte du bien contre le mal», de «réplique dévastatrice», de «guerre». Certains médias, avides de formules tranchantes, en ont rajouté: guerre de l'Occident contre l'Orient, de la «civilisation» contre la «barbarie», des démocrates contre les «fous d'Allah», etc. Le président Bush déclare au monde: «Ou bien vous êtes avec nous, ou vous êtes avec les terroristes.» Autrement dit, si vous n'êtes pas d'accord avec nous, vous êtes complices des terroristes. Cela signifie-t-il que le jugement humain est suspendu à une vérité qui ne sortirait que de la bouche de l'exécutif américain?

Cette rhétorique est dangereuse. Non seulement parce que certains mots, s'ils pourrissent toujours la conscience, peuvent dans certains cas tuer, mais aussi ­ et c'est là la grande victoire des terroristes ­ parce qu'ils justifient exactement l'image que les intégristes eux-mêm