Samedi
Omar sur sa couche
Le Libé tenu plié entre les mains, une vignette à droite de la couverture exerce une attraction incongrue. Cette tête d'homme au turban ressemble à une figurine sortie d'un missel, ou au détail agrandi d'un tableau de la Renaissance. Le journal déplié on apprend qu'il s'agit de l'unique photo, prise subrepticement, du mollah Mohammed Omar, le leader taliban. La reproduction en entier de cette photo, à l'intérieur du journal, n'entame pas l'impression première: la perspective détache Omar du groupe qui l'accompagne, et son mouvement il a l'air de se retourner et les gestes autour sont ceux d'une peinture maniériste. Cette résistance de l'image, à travers l'écran de mes très aimables références culturelles, au fait qu'il s'agit de la représentation d'un homme qui édicte des lois inhumaines, est extrêmement troublante. D'ailleurs, on peut se demander si la diffusion de ce document qui ne permet pas de deviner vraiment les traits d'Omar, qui ne tient pas sa fonction d'information, n'est pas destinée en effet à susciter un trouble. Le trouble qui nous saisit chaque fois que nous nous disons: «cet être inhumain a pourtant un corps».
Paradoxalement, l'image, aussi tramée soit-elle, donne un corps à Omar. L'article sous la photo confirme. C'est un homme jeune. Il a une femme qui est une fille de Ben Laden, et sa propre fille a épousé le même Ben Laden. Commerce de femmes dans ce pays qui les méprise. Quels sont ses gestes quand il se trouve avec cette femm