Comment faire de la poésie après l'apocalypse? Question posée par les poètes après Auschwitz, question à reposer sans cesse après chaque crime contre l'humanité. Il n'y a pas d'échelle de l'horreur car elle dépasse la mesure même de l'entendement. Chaque crime de cette nature par sa déflagration inouïe creuse la fosse d'un absolu silence de l'âme. Alors on est en droit, au-delà de toute raison de reposer cette question après Sabra et Chatila, après les génocides qui ont plombé l'actualité, les crimes de la Bosnie et, hier encore, ce 11 septembre 2001, après les Twin Towers. Question qui peut paraître futile voire déplacée, hors de propos.
Qu'a-t-on besoin d'artistes, que peut faire un poète lorsque la chair et l'âme sont à ce point meurtries? Et puis l'horreur n'a-t-elle jamais empêché l'artiste de subsister? On jouait bien Mozart près des chambres à gaz. Bien entendu, mais la question n'est pas celle de l'artiste ou du poète mais, par ce biais, celle de l'humanité. Cette question que se pose le poète est celle de l'homme qui s'interroge sur son humanité. A quoi bon l'art, à quoi bon le poète si je ne suis sûr d'être un humain?
Ce ne sont pas les poètes mais les guerriers, armés de certitude, qui lèvent sans sourciller le glaive vengeur du Bien contre les hordes du Mal. L'artiste en tant qu'artiste a cette nécessité de se trouver au coeur de la blessure. Ce qui blesse l'homme par ces actes indicibles n'est pas qu'il soit meurtri par un autre que lui, par un monstre ou un alien