Des réseaux maçonniques aux réseaux d'experts, des réseaux trotskistes aux réseaux islamistes, pas l'ombre d'un lien ni d'une interaction d'aucune sorte. Rien à voir donc, mais un élément commun à signaler: la célébration, de plus en plus rituelle, d'un mot unique pour qualifier des entités, groupes, organisations, de nature et de portée différentes. Comment comprendre en effet l'omniprésence de cette notion pour le moins imprécise, les «réseaux», que l'on présente comme une catégorie essentielle de notre modernité? Si de nombreuses illustrations dans des domaines forts différents, d'un tissu aux mailles très larges à Internet en passant par la chaîne constitutive (atomes, molécules, cellules, organes), alimentent notre perception du phénomène, pas une, en revanche, ne nous aide à en proposer une définition explicite et consensuelle.
Sans doute cette incapacité est-elle directement liée au manque de transparence, à l'opacité qui caractérise ces fameux réseaux, peut-être faut-il voir dans cette imprécision une de leurs caractéristiques essentielles, un espace dénué de tout centre et de toute périphérie, et où par conséquent tout est central et tout est périphérique. Voici pourquoi les réseaux, ordinairement anonymes, ne peuvent être directement appréhendés. Personne ne pouvant dire explicitement à son voisin «je fais partie d'un réseau» sans risquer de tomber ipso facto dans un système, modèle phare de représentation des Etats, des partis politiques, des organismes internation