Au Moyen Age, les habitants du Vieux Continent édifièrent des cathédrales à la gloire de Dieu. Pour Lui montrer l’unité du genre humain, ils utilisèrent un unique matériau, la pierre, que perçaient des vitraux afin qu’y pénètre la divine lumière. Quelques siècles plus tard, venus s’imaginer une vie différente de l’autre côté de l’Atlantique, il fallut à ces Européens inventer d’autres totems qui se dresseraient vers le ciel pour chanter leur propre gloire, leur folie, leur bonheur de vivre au pays de tous les possibles. Ils construisirent une ville à leur image, verticale et insolente, vertébrée par l’acier et le béton, matériaux de la modernité sur lesquels des verres-miroirs furent plaqués afin que s’y reflètent les regards des hommes, la beauté du ciel, des nuages et du monde. Narcissique et païenne, New York, la ville-cathédrale, fut un rêve européen construit à la seule gloire des hommes. Dieux nouveaux d’un monde nouveau, ces pionniers du XXe siècle venaient de créer leur chef-d’oeuvre: la forme sublime d’une utopie.
Partout ailleurs, les cités portent sur elles les strates et marques des batailles de ceux qui les ont habitées, blessures de rêves combattus, les stigmates des révolutions. Bâtiments fissurés, plaques et monuments commémoratifs, rues aux noms de généraux, de victoires, de désastres, tous lieux de mémoire qui témoignent d'un passé que les guerres ont dévasté. L'histoire est tragiquement analogique. New York, numérisé, fut une ville que l'Histoire ne travers