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Libération
TRIBUNE

Le chaudron du diable

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Les frappes sur l'Afghanistan et la remise en selle des dictatures arabes ne vont faire qu'ajouter à la colère des populations musulmanes.
par Moncef Marzouki, porte-parole du Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT) et président de la Commission arabe des droits humains (ACHR).
publié le 9 octobre 2001 à 1h13
(mis à jour le 9 octobre 2001 à 1h13)

Le 25 septembre, les autorités tunisiennes ont annulé la cérémonie de clôture des Jeux méditerranéens en signe de sympathie avec l'Amérique endeuillée par les attentats terroristes du 11 septembre. Le geste s'inscrivait dans une série de manifestations empressées de solidarité, pour ne pas dire d'offre de service. L'humeur de l'opinion publique était aux antipodes. Devant un stade survolté, Habib Ammar, le président de ces Jeux, demanda à la foule une minute de silence. Sa réaction fut aussi unanime que grossière: sifflements, quolibets, insultes.

On n'entendait que les cris du genre «ils l'ont bien cherché, ils l'ont bien mérité, c'est le châtiment de leur arrogance, de leur injustice, de leur mépris». Un vrai camouflet pour le pouvoir, et une réaction viscérale d'hostilité antiaméricaine qui en dit long à la fois sur les sentiments de la rue, et sur le divorce profond entre elle et le pouvoir censé la représenter. Autre signe qui ne trompe pas. Les casquettes de base-ball, les tee-shirts aux couleurs de l'Oncle Sam ont disparu comme par magie de l'accoutrement habituel de nos adolescents.

En Palestine, des manifestations de joie ont parcouru les rues des villes et des bourgades à l'annonce des attentats. Mais Yasser Arafat s'empressa d'organiser des manifestations de deuil hypocrite et poussa le zèle jusqu'à aller donner son sang. Le même scénario, à des variantes près, s'est joué partout: les régimes d'un côté, la rue de l'autre. Au Pakistan, Musharraf se résout à jouer le