De tout temps, par le biais des symboles présents sur les pièces et les billets, les émetteurs de monnaie ont cherché à susciter la confiance en mobilisant les valeurs partagées par le groupe. Pour cette raison, la symbolique monétaire nous renseigne ce qui forme le ciment d'une société.
Que donne cette hypothèse dans le cas des tout nouveaux euros? Rappelons que, sur ces billets, est représentée une série de figures architecturales, portails et fenêtres sur le recto, ponts sur le verso, de styles et d'époques qui varient selon les coupures: depuis le classique pour le 5 euros jusqu'au moderne pour le 500 euros. Le caractère abstrait de ces représentations qui s'apparentent à de pures formes géométriques est encore renforcé par le fait qu'on chercherait en vain à en localiser la provenance. C'est là le résultat d'une volonté délibérée: ces figures ont été dessinées de façon à ce qu'aucun élément ne puisse rappeler un monument existant pour éviter tout ce qui pourrait apparaître comme un biais national. Aussi, cette iconographie se trouve-t-elle en rupture radicale avec la thématique du «personnage célèbre» qui, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, domine l'illustration des billets, non seulement en France, mais dans toute l'Europe. Cette volonté de neutralité par rapport aux expressions nationales pour prévenir toute polémique conduit à une vision désincarnée, qu'on pourrait même dire aseptisée, le pendant esthétique du «politiquement correct». Selon ses créateurs, le