J'étais en Haïti lorsque le «coup d'Etat» du 17 décembre a eu lieu à Port-au-Prince (1). A ce moment de mon séjour, j'avais déjà entraperçu quelques qualités de ce peuple misérable mais extraordinairement assoiffé de connaissance et de culture. Au cinéma-théâtre Rex où j'avais donné une conférence le lendemain de mon arrivée, mille personnes s'étaient déplacées. Non pas pour m'entendre personnellement, mais pour rencontrer un philosophe français un philosophe venu de France. Dans la ville, des banderoles annonçaient la conférence-débat en citant Politique du rebelle, le livre pour lequel j'avais été en partie invité. Pour être là, dans cette salle bondée, les Haïtiens avaient dû se déplacer à pied, faire la route et descendre des montagnes ou de la campagne alentour.
Le débat ici, mais aussi dans les autres villes où je suis intervenu a été riche, de qualité, avec un public vraiment désireux d'échanger sur la possibilité d'une morale post-chrétienne contemporaine ou sur les conditions d'une politique anarchiste aujourd'hui. Une dose de Nietzsche, une dose de Proudhon... Dans un pays où les maximes chrétiennes s'affichent partout sur les taxis, les camions, les voitures, les murs, les rues, et que dirige un ancien prêtre salésien devenu dictateur, le débat prend un autre sens que dans les salles françaises où l'on entend les questions éthiques et politiques d'une manière moins essentielle, plus détachée...
En fait, dans cette salle à la chaleur accablante, je constatais q