L'oeuvre sociologique de Pierre Bourdieu a été saluée par un hommage quasi unanime. Mais son héritage ne se situe pas sur le seul registre de la théorie. Intellectuel reconnu dans son milieu, il n'hésitait pas néanmoins à s'engager aux côtés des grévistes de décembre 1995, des sans-papiers, des chômeurs... Qu'elle ait fasciné ou irrité, sa parole a occupé une place singulière dans l'espace public. Sa critique du discours dominant et des puissants, ses prises de position en faveur des plus démunis bousculaient les situations établies et les certitudes acquises, forçant les intellectuels, les politiques et les journalistes à sortir de leur ghetto. Mais on ne saurait en rester à ce seul constat sans prendre en compte le contenu de cette critique et les usages auxquels elle donne lieu.
Son analyse de l'école, développée conjointement avec Jean-Claude Passeron (les Héritiers, en 1964, et la Reproduction, en 1970), a marqué de nombreux intellectuels critiques et enseignants. L'école y est analysée comme une institution reproduisant les inégalités, les exigences et les critères du système d'enseignement jouant au détriment des classes défavorisées. L'examen et les concours sont pareillement considérés comme des mécanismes d'élimination et de sélection, permettant la reproduction et la légitimation de l'héritage culturel et par là même celles de l'ordre établi. Ces analyses se veulent un constat sociologique, mais elles n'en prêtent pas moins à équivoque, plaçant ces héritiers par ex