On aurait pu croire à une erreur de rédaction, à une mauvaise plaisanterie concoctée par un conseiller ministériel facétieux. Il n'en est rien. Le projet de loi sur les sondages, qui doit être examiné jeudi par le Sénat, prétend interdire aux journalistes de commenter, dans les articles qu'ils publieraient «la veille et le jour d'un scrutin», non seulement des sondages inédits, mais aussi ceux «ayant fait l'objet d'une publication, d'une diffusion ou d'un commentaire avant la veille de chaque tour de scrutin».
Lors du débat à l'Assemblée en première lecture, le 23 janvier, il s'est bien trouvé quelques députés d'opposition, notamment Francis Delattre (UDF) et Patrick Devedjian (RPR) pour souligner que cet ajout gouvernemental à un projet de loi qui ramène de huit à deux jours l'interdiction de publier des sondages est aussi inapplicable que liberticide. Cela ne les a pas empêchés de s'abstenir au lieu de voter contre: l'Elysée et Matignon ont manifestement donné des consignes pour que la loi soit votée avant le 22 février. Reste à savoir si le Sénat laissera faire.
Que se passera-t-il si le texte est voté en l'état? C'est très simple: tout commentaire politique qui ferait allusion à un sondage électoral, même réalisé et publié six mois plus tôt, sera passible d'une amende de 76 220 euros (art. L.90.1 du code électoral). Interdit donc à Libération, au Parisien, au Figaro et à l'ensemble de la presse régionale de publier dans leur édition de samedi un article rétrospectif sur l'