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Libération

Les profiteurs de la souffrance d'autrui

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Les mages et voyants qui fleurissent à la télévision sont-ils un divertissement comme les autres? Ils révèlent surtout que la crédulité est plus répandue qu'on ne le croit.
par Umberto ECO
publié le 18 février 2002 à 22h18
(mis à jour le 18 février 2002 à 22h18)

«Libération» publie tous les mois une chronique de l'écrivain italien Umberto Eco, dont le dernier roman, «Baudolino», vient de paraître en français chez Grasset.

Si vous souhaitez changer de profession et améliorer votre situation financière, le métier de voyant est parmi les plus lucratifs et ­ contrairement à ce que vous pourriez croire ­ l'un des plus accessibles. Du charisme, un minimum de psychologie, un peu d'aplomb, et le tour est joué. Et même si vous ne disposez pas de tels dons, les statistiques sont, à elles seules, suffisamment encourageantes.

Tentez donc l'expérience suivante: abordez une personne, même prise au hasard ­ évidemment, elle fera mieux l'affaire si elle nourrit quelque curiosité pour vos vertus paranormales. Regardez-la bien dans les yeux, et dites: «Je sens qu'en ce moment quelqu'un pense très fort à vous. Vous ne le voyez plus depuis de nombreuses années, mais, à une époque, vous l'avez terriblement aimé. Son indifférence vous a beaucoup fait souffrir... Eh bien, aujourd'hui, cette personne réalise ­ et regrette ­ la peine qu'elle vous a causée, même si elle sait qu'il est trop tard...»

Y a-t-il une seule personne au monde qui n'ait pas, un jour, connu un amour impossible ou tout au moins malheureux?

Ainsi, votre protégé sera le premier à vous faciliter la tâche, en déclarant qu'il a identifié la personne dont vous captez si clairement les pensées.

Vous pouvez dire aussi: «Il y a quelqu'un, dans votre entourage, qui vous manque d'estime, et dit beauco