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Libération

Enron et l'esprit du capitalisme

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publié le 25 février 2002 à 22h23

La retentissante faillite d'Enron nous rappelle qu'il n'est pas d'économie efficace sans intégrité, c'est-à-dire sans adhésion à des valeurs supérieures, et qu'on ne peut pas s'en remettre au seul intérêt privé pour réguler le système. On trouve déjà cette leçon chez Max Weber analysant la naissance du capitalisme et montrant le rôle joué par l'éthique protestante dans la diffusion de l'esprit d'effort et du dévouement au travail professionnel. Selon Weber, c'est parce qu'il se vit comme le «régisseur obéissant» des richesses qui lui ont été confiées par Dieu que l'entrepreneur capitaliste s'acharne à les multiplier. L'idéal démocratique a parfois supplanté l'idéal religieux, mais toujours le capitalisme requiert pour fonctionner une forte armature normative. Là où elle fait défaut, il dégénère aisément en corruption généralisée. Autrement dit, il y a dans le capitalisme une contradiction interne de nature éthique qu'il ne faut pas sous-estimer. Ce système a besoin pour se développer efficacement de transparence et d'indépendance d'esprit, alors même que, dans son propre fonctionnement, il récompense le suivisme et l'appât du gain! L'affaire Enron illustre parfaitement ce qu'il peut advenir lorsque les garde-fous moraux et réglementaires se trouvent affaiblis: un certain nombre d'acteurs ayant un rôle essentiel dans la régulation d'ensemble se voient soumis à des pressions qui affectent la qualité de leur travail au détriment de l'intérêt collectif. C'est vrai des experts co