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TRIBUNE

L'aide humanitaire, nourrit-elle la guerre?

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par Marc-Antoine Pérouse de Montclos, chercheur en sciences politiques et spécialiste des conflits armés en Afrique.
publié le 14 mars 2002 à 22h35
(mis à jour le 14 mars 2002 à 22h35)

Libération a publié jeudi 7 mars une interview de Sylvie Brunel, présidente démissionnaire de ACF (Action contre la faim) qui a fait grand bruit dans le monde de l'humanitaire. Elle exprimait ses désillusions vis à vis d'ONG qui, selon elle, «sont devenues un business» où les niveaux de rémunération et le choix des «missions» lui semblent ne plus être en rapport avec l'idéal de départ. Et elle invitait l'Etat à «remettre de l'ordre» dans ce secteur.

Sylvie Brunel a visiblement choqué le monde des «humanitaires». Au-delà des querelles de personnes et d'ONG, elle a pourtant le mérite de soulever un problème de fond, à savoir la dérive marchande de l'aide internationale dans les pays en guerre. Evidemment, il n'est pas aisé de reconnaître que des logiques de compétition économique et d'attribution des marchés peuvent l'emporter sur l'évaluation des besoins humanitaires et, pour reprendre les termes de Sylvie Brunel, déterminer «l'ouverture ou la fermeture d'une mission».

Depuis une quinzaine d'années, la plupart des ONG travaillant dans l'urgence fonctionnent essentiellement avec des fonds publics et répondent à des appels d'offre pour remporter les marchés financés par des organisations intergouvernementales. A tel point que les Anglo-Saxons parlent désormais d'ONG «G»: des organisations non-gouvernementales «gouvernementales». Gérées comme des entreprises, les ONG sont ainsi devenues des acteurs économiques à part entière. Pour le meilleur, quand une telle évolution est allée d