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publié le 19 mars 2002 à 22h38

Nous autres, Occidentaux, n'en aurons pas fini de sitôt avec la burqa et la charia, ces objets si propres à nous exciter le fantasme. Deux femmes que l'actualité a élues les incarnent et nous troublent. Nous les aimons dans leur malheur, nous nous battrons pour elles. (Je veux dire que nous signerons en leur faveur des pétitions, et peut-être même des chèques.) Afin que Sharbat Gula, la fille aux yeux verts que les guerres afghanes ont désespérée et que National Geographic a photographiée, se console avec une tardive pension de top-model exotique; afin que Safiya Hussaini, la femme adultère dont un tribunal d'appel nigérian s'apprête à réexaminer le «crime», ne soit pas lapidée... Et tant pis si Sharbat et Safiya ne correspondent pas tout à fait aux canons de notre bon goût. Sharbat-la-burqa et Safiya-la-charia, on les préférerait évidemment en combattantes féministes qu'en victimes résignées des lois du mâle édictées au nom de Dieu, mais ne mégotons pas: outre que leur tragique résignation même excite notre compassion, leur sort est trop exemplaire pour que nous fassions la fine bouche. C'est qu'il y a urgence à faire oublier le scandale que constitue la révélation d'abus sexuels sur les corps de tant d'anonymes Sharbat et Safiya, par des personnels ­ plus souvent indigènes, il est vrai ­ d'ONG allant aux camps de réfugiés africains comme le héros du Plateforme de Houellebecq va au bordel thaïlandais. Et il y a urgence à jeter, tel un linceul sur un cadavre, un voile pudiqu