Nous autres, Occidentaux, n'en aurons pas fini de sitôt avec la burqa et la charia, ces objets si propres à nous exciter le fantasme. Deux femmes que l'actualité a élues les incarnent et nous troublent. Nous les aimons dans leur malheur, nous nous battrons pour elles. (Je veux dire que nous signerons en leur faveur des pétitions, et peut-être même des chèques.) Afin que Sharbat Gula, la fille aux yeux verts que les guerres afghanes ont désespérée et que National Geographic a photographiée, se console avec une tardive pension de top-model exotique; afin que Safiya Hussaini, la femme adultère dont un tribunal d'appel nigérian s'apprête à réexaminer le «crime», ne soit pas lapidée... Et tant pis si Sharbat et Safiya ne correspondent pas tout à fait aux canons de notre bon goût. Sharbat-la-burqa et Safiya-la-charia, on les préférerait évidemment en combattantes féministes qu'en victimes résignées des lois du mâle édictées au nom de Dieu, mais ne mégotons pas: outre que leur tragique résignation même excite notre compassion, leur sort est trop exemplaire pour que nous fassions la fine bouche. C'est qu'il y a urgence à faire oublier le scandale que constitue la révélation d'abus sexuels sur les corps de tant d'anonymes Sharbat et Safiya, par des personnels plus souvent indigènes, il est vrai d'ONG allant aux camps de réfugiés africains comme le héros du Plateforme de Houellebecq va au bordel thaïlandais. Et il y a urgence à jeter, tel un linceul sur un cadavre, un voile pudiqu
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