S'il n'avait déjà employé l'expression pour titrer son essai sur Charles Péguy, Alain Finkielkraut aurait pu intituler son nouveau livre le Mécontemporain. L'Imparfait du présent est écrit dans l'ornière de misanthropie intellectuelle que le Cassandre des plateaux a ouverte en 1987, avec la Défaite de la pensée, et prolongée avec sa découverte de l'auteur de Notre patrie. On peut reprendre depuis lors ses titres un par un : la Mémoire vaine, l'Humanité perdue, Internet, l'inquiétante extase, et, dernièrement, l'Ingratitude. Tous indiquent qu'Alain Finkielkraut déplore. Il regrette le monde d'hier et sonne le tocsin du nôtre. Tel un pâté indigeste, ce monde renfermerait, dans la croûte d'un faux humanisme conformiste et ludique, une spontanéité barbare, un narcissisme maladif et la négation de l'autre : il annoncerait la «décivilisation». Payant tribut aux anciens qui l'ont formé, Finkielkraut décline donc son mal au monde moderne. Sa nostalgie, plongée dans l'actualité, est effervescente. L'Imparfait du présent, qui s'ouvre sur Charles Péguy et se ferme sur Julien Gracq, compte 81 cachets, appelés «Pièces brèves». L'écrivain y réagit aux événements et aux nuages portés par l'air du temps pendant l'année 2001.
Ce n'est pas l'un de ces bloc-notes de notables où l'on salue paresseusement du couvre-chef en renvoyant les ascenseurs. Le programme est annoncé dans une brève préface d'un orgueil modestement démesuré : «aller et venir entre ces deux fidélités : la contingence et le co