Comment qualifier ce qui s'est passé à Jénine ? Voilà un camp de réfugiés d'un kilomètre carré, pilonné par les chars pendant plusieurs jours. Soumis à une pluie de missiles, plus de 400 dit-on, lancés des hélicoptères. Plusieurs centaines de morts. Des habitants ensevelis sous les décombres de leurs maisons détruites par les bulldozers. Des milliers de blessés privés de secours. Des enfants qui errent dans les rues, pris sous le feu des chars. Et combien de soldats israéliens brisés par l'épreuve, obligés non seulement de tuer des civils mais d'enterrer les morts loin des regards de la presse internationale, semblables à ces suppliciés qu'on attachait jadis à un cadavre ? Combien d'âmes mortes à Jénine ?
Il y a deux semaines, nous étions une dizaine d'écrivains et d'artistes des cinq continents à nous rendre en Palestine au nom du Parlement international des écrivains (1). Non pas pour jouer les Casques bleus mais simplement pour rencontrer Mahmoud Darwich, encerclé à Ramallah et qui à deux reprises avait été empêché de retrouver certains d'entre nous à New York (lire aussi page suivante). Nous voulions écouter et faire entendre d'autres voix dans le fracas de la guerre, celle des écrivains, des artistes, des universitaires, de tous ceux qui préparent l'avenir en dehors des partis. Opposer à la logique de la guerre, non pas une force d'«interposition» mais des forces d'«interprétation»... Jamais dans un conflit les écrivains n'avaient été aussi nécessaires. A condition qu'il