La chronique mensuelle que le romancier britannique, toujours condamné à mort par une «fatwa» ayatollesque, livre à «Libération».
Nous voilà, une fois de plus, projetés de plain-pied dans l'univers de Candide. Notre sombre XXIe siècle se reflète à merveille dans cette joyeuse fable d'un XVIIIe siècle inondé de sang, où catastrophes, viols, pendaisons, tremblements de terre et syphilis guettent les protagonistes à chaque coin de rue. Pangloss, acquis aux idées leibniziennes, professeur de la douce science «métaphysico-théologo-cosmolonigo-nigaudologique», et prototype de tous nos «instructeurs de la réalité» contemporains (le terme est de Saul Bellow), s'accroche fermement à son credo, selon lequel «tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.»
Candide, cependant, opte à la fin de son long et violent périple vers la quiétude pour cette fameuse conclusion : «Il faut cultiver notre jardin.» Ainsi, la célèbre fable de Voltaire s'achève-t-elle sur l'idée que, dans les périodes les plus effroyables, nous serions bien avisés de préserver notre esprit des «hautes idées» et de ne pas mettre le nez dans les affaires publiques, nous bornant simplement à cultiver notre jardin. Voltaire n'était pas homme à prôner l'apathie comme remède à nos maux existentiels. Et cependant, notre penchant pour les récits larmoyants et les idées faciles fait que la conclusion de son oeuvre de fiction la plus célèbre est finalement interprétée comme une apologie de l'immobilisme, de la passi