Après le nécessaire sursaut républicain du 1er mai et du 5 mai, il nous faut nous interroger sur les facteurs qui ont contribué à la montée de l'extrême droite. Et ce, afin que nous ne continuions pas à nous précipiter dans le mur. Une mise en perspective sociologique est susceptible de nourrir la réflexion politique.
Qu'en est-il des clivages sociaux dans la France de ce début de siècle ? Les sciences sociales nous invitent depuis une vingtaine d'années à résister à la pente économiste des analyses «marxistes» traditionnelles pour appréhender les clivages de manière constructiviste. Au lieu de données «objectives», ces clivages seraient le produit d'un travail social et historique de construction. Dans une société donnée, il y aurait une pluralité de clivages en compétition. Chaque clivage prendrait appui sur un double travail symbolique (sur le sens, les représentations) et politique (à travers des porte-parole et des organisations) d'unification relative de frustrations, d'intérêts et d'aspirations disparates. Ce travail opérerait à partir de réalités inscrites dans les expériences quotidiennes. Mais, à chaque fois, ne seraient sélectionnés que certains traits (au détriment d'autres, eux aussi présents dans l'expérience mais non politisés), qui deviendraient alors les traits pertinents dans une construction générale dotée d'une dynamique propre. Je ferai l'hypothèse qu'il en va ainsi aujourd'hui en France de la compétition entre le clivage de la justice sociale et le cliva