Menu
Libération
TRIBUNE

Ces millions de Français invisibles

Article réservé aux abonnés
Ouvrir la représentation nationale aux citoyens de toutes origines est le moyen de mettre fin aux revendications de discrimination positive.
par Elisabeth Badinter, philosophe
publié le 29 mai 2002 à 23h37

Il y a près de dix ans, l’observateur attentif pouvait percevoir les premières rumeurs du légitime mécontentement des féministes quant au nombre de femmes siégeant dans les différentes assemblées politiques : 5 % de la représentation nationale, à peine 20 % dans les conseils municipaux. Ces chiffres révélaient une volonté consciente ou non d’exclure les femmes du pouvoir politique. On stigmatisa avec force le machisme des hommes politiques, lesquels, penauds, votèrent à une immense majorité la loi sur la parité. Avec une allégresse feinte ou réelle, les députés en mal de culpabilité voulurent se dédouaner aux yeux de leurs électrices en inscrivant la différence sexuelle dans la Constitution et la nécessité d’établir des quotas. Ainsi ont-ils inauguré une politique de discrimination positive en faveur des femmes. A ceux qui protestèrent contre une disposition aussi contraire à l’esprit de notre République, qui ouvrait la porte à toutes les revendications communautaires, il fut répondu à grands coups d’arguments naturalistes que seules les femmes, constituant la moitié de l’humanité, auraient droit à ce traitement. Les autres grands absents de la représentation nationale n’étant que des «catégories» de la population, il n’était pas question de leur accorder le même privilège. Drôle de privilège d’ailleurs, à voir le pourcentage de candidates présentées aux prochaines législatives !

En 2002, il faut être sourd pour ne pas entendre se lever un autre mécontentement tout aussi légi