Dans un prétoire et dans la bouche d'un avocat général, ces mots de «jubilation» et de «volupté» ne sont pas courants. Ce sont pourtant ceux-là dont usa mardi Philippe Bilger (lire son portrait dans Libération du 26 février 2001), en ne requérant pour François Besse «que» treize années de réclusion criminelle ; une peine qui, confondue avec d'autres antérieurement prononcées, permettrait à l'accusé d'espérer ne pas finir sa vie derrière les hauts murs. A l'heure où s'écrivent ces lignes, on ignore si les jurés suivront Bilger, mais grande est la tentation de jubiler avec lui, tant ce qui devrait relever de l'évidence judiciaire la réinsertion du criminel apparaît aléatoire, à l'heure des réquisitions. Celles de Bilger détonnent. On serait même tenté de dire qu'elles détonent, n'était ce qui les précéda : et aussi bien doit-on ne pas tant s'en étonner, tant fut probante la repentance de l'accusé. Lorsque François Besse, avec une franchise et une dignité incontestables, revisite les trépidantes années 70 pour dire crûment qu'il s'est «trompé», ne «revendique rien» et ne peut pas être «un modèle dans cette révolte», il rejoint, à sa façon et de son point de vue, le discours dominant qui n'en finit plus d'en finir avec l'obsession 68. Si sa façon et son point de vue ne sont pas celui des Figaro, des Raffarin et des Ferry, ils bouclent une boucle et font jubiler Bilger, jusqu'à lui faire évoquer à l'audience (et lui aussi en toute sincérité) une «volupté judiciaire» qui reste
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