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Libération

La «carnavalisation» des moeurs

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Une perte des repères entre ce qui est sérieux et ce qui tient de la farce.
par Umberto ECO, écrivain. Il a notamment publié «le Nom de la rose» et «le Pendule de Foucault».
publié le 24 juin 2002 à 0h03
(mis à jour le 24 juin 2002 à 0h03)

«Libération» publie tous les mois une chronique de l'écrivain italien Umberto Eco, dont le dernier roman, «Baudolino», est paru en français chez Grasset.

Il y a une quinzaine de jours, le quotidien italien la Repubblica a relancé un sujet qui fait régulièrement débat dans le pays : lorsqu'un homme politique considère qu'il a été injustement mis en cause dans un article de presse, il intente un procès pour calomnie, et c'est là son droit le plus strict. En revanche, si le même personnage s'estime malmené par un dessin satirique, le recours à la voie légale nous semble irritant, voire malhonnête. Pourquoi ?

La satire politique est une chose sérieuse. Les journaux de la terre entière publient chaque jour une vignette satirique, pas forcément drôle, mais incontestablement porteuse d'un message politique, dont l'auteur assume l'entière responsabilité.

Entendons-nous, je ne parle pas des dessins qui se bornent à la caricature des défauts physiques ­ si impitoyables soient-ils ­, mais de ceux qui contiennent un point de vue et dénoncent, l'air goguenard, le fait qu'«Untel [ait] fait ceci ou cela». Tout le problème, vieux comme le monde, tient précisément à cet «air goguenard». Si je lance, en souriant, à un ami croisé par hasard : «Comment tu vas, sacré vaurien ?», il va de soi que je ne traite pas véritablement cet ami de vaurien. Et même en saluant de la sorte le président de la République ou le pape, je serai tout au plus taxé d'impertinent. En revanche, si je dis publiquement à qu