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Libération
TRIBUNE

Tour de France : du mythe au produit

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publié le 26 juillet 2002 à 0h30

Pourquoi le Tour de France ­ malgré le succès de Richard Virenque au sommet chauve du Ventoux ­ est-il de plus en plus ennuyeux ? Plusieurs décennies durant, cette épreuve cycliste demeura un mythe. Les événements vélocipédiques paraissaient d'autant plus frappants pour l'imagination qu'ils se drapaient dans l'invisible ­ projetant leur scénario dans l'ordre du cinéma intérieur, onirique. Le Tour de France n'était aucunement fait pour être vu ­ sinon aperçu, l'espace d'un instant, quelques rares fois dans une vie ­, il était fait pour être rêvé à partir des récits racontés dans les journaux puis à la radio. L'invisibilité des exploits et des coureurs en garantissait la présence dans les esprits. La télévision a détruit ce dispositif. Dans chaque habitation, le Tour de France s'est invité en direct et en images. Tenu à l'origine pour un événement magique ­ l'apparition dans l'ordre de la visibilité de ce qui jusqu'alors ne pouvait être qu'imaginé, le prodige que les adeptes du spiritisme appellent «matérialisation» ­, le surgissement de la télévision, retransmettant les étapes qui jusqu'alors se cachaient dans l'invisible, opéra le contraire, une sorte de profanation, une antimagie, la démystification du Tour de France. Effet de la télévision : de magique, le Tour de France devint banal. Le rapt de cet événement par la télévision a versé le Tour de France de l'espace du mythe dans celui, plus prosaïque, du produit.

A la différence du mythe, les produits ne tirent jamais leur p