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Libération
TRIBUNE

L'ombre de l'Afrique en Avignon

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par Alain Foix
publié le 2 août 2002 à 0h34

Avignon n'est plus un festival, mais la cité du théâtre jouant le théâtre de la cité, un phénomène social total dont chaque acte est emblématique et politique. A ce titre, chaque pièce est un théâtre dans le théâtre, chaque signe est surdéterminé. Tout y est événement, et la parole de l'acteur y sonne plus fort qu'ailleurs. Ici bien plus sûrement qu'ailleurs, l'esthétique est acte éthique et politique. Ici bien moins qu'ailleurs, on ne peut croire que l'esthétique ne renvoie qu'à elle-même. Lorsque Jean-Michel Bruyère présente l'installation-spectacle Enfants de nuit, montée avec la participation d'enfants de Dakar, comme «la mise en valeur esthétique de la pauvreté par elle-même», c'est l'inquiétude qui nous y mène. La même qui nous conduit à ces manifestations vendant, comme à Montpellier, il y a quelques années, la valeur esthétique du corps noir. On y pressent quelque chose de trouble, et ce danger quasi «riefenstahlien», où l'esthétique de l'Autre, du Noir, masque le malaise d'une civilisation empêtrée dans son histoire, l'ambivalence de sentiments où le désir de charité se prend les pieds dans celui de la domination qu'il voudrait refouler. Malaise d'une civilisation où le Noir reste une figure centrale, comme l'a bien vu Frantz Fanon. Moyen de s'en sortir ? Oui, par la création, l'intelligence, l'humour et l'imagination. Elle ne fut pas présente à ce sujet cette année-là dans le «in», mais elle fut bien dans le «off», précisément dans cette drôle de Damnation de Freud