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Libération

Un amour scellé

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par Ilias EL-OMARI
publié le 2 août 2002 à 0h34

Chère Inès,

Mon premier réflexe après le coup de force de l'armée de ton pays, qui a foulé le sol du mien en profanant l'îlot de Tura-Lila, était de t'appeler.

Je l'ai fait dans le fol espoir que rien n'a été entamé de l'idée que nous nous sommes forgés de notre devenir commun. Comme toi, j'échafaudais un fol espoir d'une Andalousie qui sauverait l'humanité des dérives de la haine et des sirènes de l'apocalypse de l'après 11 septembre. Celle qui avait vu coexister Avempace, Maïmonide, Averroès, Alhambra et les palais de Charles Quint. «L'ornement du monde», comme disait Marie Rosa Menocal (1) dans son beau livre qui vient de paraître ; avec en sous-titre : «Comment des musulmans, des juifs, des chrétiens, ont créé une culture de tolérance dans l'espace médiéval». «Ce qui a été sera, à condition qu'on s'en rappelle», disait un poète de chez toi, Aragon, qui a choisi de s'exprimer en français.

Je pensais que chacun, de son côté, pouvait s'atteler à cette noble tâche de recréer un espace de coexistence des cultures. Je me remémorais ta soif d'en savoir plus sur cet hymne à l'amour d'Ibn Hazm, dans son Collier de la colombe, le souffle oecuménique chez ce grand humaniste de Séville Ibn 'Arabi.

Et puis, on avait parlé d'Abu Abdillah, ce grand roi qui a eu la malchance d'être le dernier des Nasrides. Ce sont ses ancêtres qui ont construit cette perle qu'est Alhambra, qui continue toujours d'émerveiller. «Pleure comme une femme ce que tu n'as pu garder en homme...» ; ainsi disait-on de