Une simple menace de poursuite judiciaire par l'association l'Enfant bleu contre Rose bonbon aura donc suffi à la censure vicieuse du roman de Nicolas Jones-Gorlin par son propre éditeur (Libération du 20 août). On ignore si l'Enfant bleu qui invoque la défense de l'enfance maltraitée et brame à l'incitation à la pédophilie est aussi réactionnaire que son propos le laisse entendre. On n'ignore pas, en revanche, que la maison Gallimard est, comme on dit, «le plus grand éditeur de France», et que cet état lui crée des devoirs. Mais pour justifier sa décision, Gallimard n'a fait donner, à la télé obsédée de pédophilie, que ses services juridiques et peureux, et, dans le Monde, l'argumentaire spécieux de sa directrice éditoriale (1). Antoine Gallimard, le patron, devait être en vacances exotiques (Koh-Lanta ?) et injoignable sur son portable ; quant à la grande conscience libertaro-libertine de la rue Sébastien-Bottin je veux dire Philippe Sollers , on ne l'aura pas non plus entendue (2) énoncer quelques évidences dans autant de principes que la Ligue des droits de l'homme rappelait jeudi en ces termes : «Aborder la pédophilie dans une fiction ne peut ipso facto être considéré comme une apologie de ce crime (...) ; l'oeuvre d'art est de l'ordre de la représentation : elle s'écarte toujours du réel même si elle s'y inscrit ; l'action que se propose d'engager l'Enfant bleu relève de cette volonté de détourner la loi (...) au profit de sa propre conception de la morale.»
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