Comment le libraire le mieux intentionné peut-il voir clair lorsqu'il doit affronter en quelques semaines la sortie de plus de 660 romans ? Tandis que la lecture confortait son recul, la rentrée littéraire française proposait déjà, à l'automne 2001, 575 romans et 470 essais et documents, un score record. Cette année, le record est battu.
Cette abondance de titres nouveaux pourrait être interprétée comme le signe de la créativité littéraire. On peut y déceler aussi les efforts louables des éditeurs, toujours en quête des grands auteurs de demain, pour proposer de la diversité, de l'originalité, des nouveautés. Mais l'abondance peut se retourner, via une alchimie propre aux industries culturelles, contre ceux-là mêmes qui y voyaient un signe de diversité.
De tout temps, l'éditeur s'est attelé à un travail de recherche et de tri. Les trois grands habitués des prix littéraires, Gallimard, Le Seuil, Grasset, ont ainsi respectivement reçu, en 1998, environ 5800, 4 000 et 3 600 manuscrits, soit une hausse moyenne de 100 % en vingt ans ! Dans le même temps, le nombre de manuscrits qui parvenaient aux éditions de Minuit quintuplait : rançon de la gloire, signal du désir d'écriture et de reconnaissance. Mais quoi de plus difficile que de choisir, au sein de cette masse considérable de manuscrits, les signaux du talent ou ceux du succès ? Le défi est d'autant plus grand que ces deux critères ne se recoupent pas toujours, et que, même si l'on connaît certains ingrédients du succès, celui-