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Libération

Anesthésie

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publié le 16 septembre 2002 à 0h59

Tout le monde regarde ailleurs ? Tant pis. On sera le chien de cet os que personne ne dispute ­ il doit être empoisonné ­, et on parlera aujourd'hui encore de Rose bonbon, que Gallimard a extrait vendredi de deux semaines de purgatoire pour le précipiter dans un enfer : l'ouvrage est revenu en librairie, mais scellé de plastique transparent comme une vidéo X dans un porno-shop de Barbès, et frappé de cet «avertissement» : «Rose bonbon est une oeuvre de fiction. Aucun rapprochement ne peut être fait entre le monologue d'un pédophile imaginaire et une apologie de la pédophilie. C'est au lecteur de se faire une opinion sur ce livre, d'en conseiller ou d'en déconseiller la lecture, de l'aimer, de le détester, en toute liberté.»

Cette tartuffesque proclamation est un fusil à canon tordu qui tire trois coups : il signe la capitulation éditoriale, excite le scandale et ose, in fine, invoquer la liberté qu'il émascule. Fin de l'acte I, avant les suites judiciaires (ainsi encouragés, les obsédés de l'ordre moral auraient tort de se gêner...); et déjà s'allument les contre-feux destinés à refaire une vertu aux consciences de la place. Sollers, tout en affichant la moue littéraire que lui inspire le livre de Nicolas Jones-Gorlin, pétitionne contre le procès en discrimination religieuse fait à Houellebecq (1) ­ qui s'ouvre demain. Ce faisant, il laisse entendre que, ma foi, tout se discute... la qualité du texte déterminerait ainsi le bien-fondé de sa censure, et pourvu que ce soit Solle