Le numéro de juin-juillet de la revue Foreign Policy (Etats-Unis) a publié un article d'un ancien haut fonctionnaire américain, Robert Kagan, dans lequel il explique le contraste entre la puissance américaine et la faiblesse de l'Europe par une opposition entre les conceptions du monde qui ont prévalu de part et d'autre de l'Atlantique depuis 1945. Estimant que les relations entre Etats reposent uniquement sur les rapports de force, les Etats-Unis ont fondé leur puissance sur leur supériorité militaire. Refusant de faire un effort d'armement suffisant, l'Europe a cru que la paix pouvait être assurée par la négociation et le respect du droit, elle a laissé aux Américains le soin d'assurer sa sécurité, elle doit aujourd'hui céder aux exigences de ceux qui ne respectent pas les règles du jeu, et elle ne joue aucun rôle dans le monde.
Cet article a été très largement diffusé dans bon nombre de pays, où il a été accueilli avec enthousiasme. Javier Solana l'a, semble-t-il, envoyé aux chefs de gouvernement européens, en soulignant que c'était une «lecture essentielle». Il s'agit pourtant d'une relecture un peu rapide de l'Histoire. Certes, en un demi-siècle, les Etats-Unis se sont dotés d'un instrument militaire redoutable, qu'ils n'ont pas toujours utilisé avec bonheur. Mais, pendant la même période, ils ont contribué, plus que tout autre pays, à encadrer les relations internationales dans un ensemble de règles de droit destinées à éviter les conflits. Aujourd'hui, l'administration