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Libération
TRIBUNE

Culture d'en haut et débats

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par Jacques BLANC
publié le 17 septembre 2002 à 1h01

L'affaire serait entendue : cette période marquerait la fin de la politique culturelle dite «élitaire pour tous», signifiant ainsi la rupture entre les élites et la France d'en bas. Outre que cette photographie d'une société divisée en deux morceaux est particulièrement erronée, il y a méprise quant au sens même d'une formule peut-être ambiguë, lancée par Antoine Vitez lorsqu'il dirigea le Théâtre national de Chaillot dans les années 1970. Et pourtant son message était clair : «Il nous faut revendiquer la plus haute exigence artistique et culturelle pour le plus grand nombre.»

En aucun cas «élitaire pour tous» n'a signifié que les artistes, les intellectuels et les responsables culturels étaient une élite qui se voulait pensante pour tous les autres. C'était un geste par lequel Antoine Vitez s'inscrivait dans la filiation d'André Malraux : «Rendre accessible les oeuvres capitales de l'humanité au plus grand nombre possible», prolongée par la défense de la création par Jean Vilar : «Un théâtre populaire est un théâtre de création.» Cette politique était une véritable ligne de crête dont les fondements et les objectifs étaient partagés tant bien que mal dans notre société depuis l'après-guerre.

Ce qui semble menacé de tout bord, c'est la vision fédératrice d'une politique culturelle et d'un projet collectif portée par le service public traversant les aléas de l'histoire et des alternances politiques. Est-ce un effet de la morosité de l'air du temps ou une tendance irréversible ?